
Par Jacques Nikanoff, président d’ATTAC France, paru dans « Tribune libre » de l’Humanité, le 10 octobre 2004
Pour l’Europe, rejeter le traité constitutionnel
Après avoir mené pendant plusieurs mois une vaste campagne d’explication, en France et en Europe, pour démonter les mécanismes et le contenu du projet de traité constitutionnel européen, l’association ATTAC entend aujourd’hui aller plus loin. Face à la menace d’une peine incompressible de cinquante ans de néolibéralisme que nous promet ce traité s’il entrait en application, la mobilisation doit s’amplifier. C’est pour décider de ses prochaines étapes que l’association va consulter ses adhérents: un vote par correspondance sera organisé, du 15 novembre au 6 décembre, les résultats étant proclamés lors de l’assemblée générale, à Saint-Denis, le 11 décembre.
Deux questions sont soumises. aux adhérents d’ATTAC:
- Êtes-vous favorable à la ratification du traité constitutionnel ?
- Souhaitez-vous qu’ATTAC donne des indications de vote?
On pourrait se demander pourquoi ATTAC appelle ses adhérents à se ‘prononcer sur le traité, alors que l’association l’a clairement condamné, notamment dans le document qui présente ses 21 exigences. La raison est simple. ATTAC est une association d’une grande diversité, que nous considérons, d’ailleurs, comme une richesse.
Certains adhérents, à titre individuel ou en tant qu’organisation (plus de 1000 organisations sont membres d’ ATTAC: des associations, des entreprises et des coopératives, des collectivités locales, des syndicats…), sont favorables au traité ou ne souhaitent pas se prononcer. Fallait-il «passer en force» et imposer une position prise seulement par le conseil d’administration? Comme ATTAC respecte tous ses adhérents et rejette les comportements sectaires et la stigmatisation de tel ou tel, la consultation de tous les adhérents est apparue nécessaire afin de donner la légitimité maximale à la position de l’association.
On pourrait également se demander s’il est bien dans la vocation d’une association, non pas de donner une consigne, mais une « indication » de vote. Autrement dit, le fait qu’ ATTAC « indique » éventuellement qu’elle se prononce au moment du référendum n’entraîne-t-il pas le risque d’un changement de nature de l’association? La direction de l’association, c’est-à-dire son conseil d’administration, pour décider de cette consultation, a pris en considération les arguments suivants :
— À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. Ce traité est un condensé chimiquement pur de l’idéologie néolibérale qui vise à empêcher la mise en œuvre de toute politique alternative, menée à l’échelle européenne comme dans chaque pays de l’Union. Face à la menace, tout doit être entrepris, y compris l’utilisation du bulletin de vote.
— Le référendum est un des outils de la démocratie participative, pour laquelle ATTAC lutte de façon permanente. Comme d’autres organisations, nous avons demandé au président de la République qu’il organise ce référendum. Une fois ce dernier obtenu, il serait paradoxal de rester muet sur ses enjeux.
— Un référendum n’est pas une élection où il s’agit d’élire des candidats ou de soutenir des partis. Il s’agit simplement de répondre à une question qui peut d’ailleurs concerner l’échelon national ou local. Les lois de décentralisation prévoient des possibilités d’organisation de référendums locaux. De tels référendums pourront
pour interdire les essais d’OGM en plein champ. Après avoir lutté comme nous l’avons fait contre ces essais d’OGM, resterions-nous silencieux si de tels référendums se tenaient?
Lors des référendums qui ont eu lieu dans le passé, de nombreuses associations et syndicats ont donné une consigne ou une indication de vote. Cette attitude les a-t-elle fait changer de nature?
— Il faut éviter de donner l’impression de l’hypocrisie et de l’impuissance. On ne peut pas combattre ce traité comme nous l’avons fait et, au, moment du choix, rester dans nota tour d’ivoire, l’arme au pied, regardant de haut ceux qui « mouilleront chemise » pour obtenir un résultat concret et, peut-être, une victoire.
— ATTAC est certes une association d’éducation populaire, mais elle est aussi tournée vers l’action. En l’occurrence, l’action c’est le vote !
— Il ne s’agit pas pour ATTAC de dire aux citoyens comment ils doivent voter, mais de leur dire ce que nous allons faire: mettre tout en œuvre pour rejeter le traité constitutionnel européen.
Ce référendum permettra de répondre à une question qui n’est pas posée : la question néolibérale. Ne nous y trompons pas, et ne faisons pas intervenir de faux arguments de politique intérieure — de la politique politicienne —, il s’agira en vérité de dire «oui » ou «non » au néolibéralisme. Et nous pouvons gagner !